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« Le gouvernement français ne doit plus s’interdire de défendre notre sécurité économique »

Le département américain du Trésor a rendu public, en juillet, le rapport annuel du Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS), dont la mission est de filtrer les investissements étrangers qui constituent des menaces pour la « sécurité nationale » américaine. La publication de ce rapport offre une nouvelle occasion de mesurer l’intensification des prédations économiques internationales et la robustesse du dispositif de protection américain. Il éclaire aussi, en contrepoint, le chemin qu’il reste à parcourir aux Français et aux Européens pour se battre, enfin, à armes égales dans la compétition économique internationale.
Les flux d’investissements directs étrangers entrants aux Etats-Unis sont globalement en décroissance sur la dernière décennie. Pour autant, les risques de prédations économiques sont loin de reculer : le nombre d’investissements étrangers offrant une position d’influence dans une entreprise stratégique américaine aurait doublé sur la même période. Le CFIUS s’active pour répondre à ce défi : non seulement le nombre de ses investigations a triplé en dix ans, mais il porte une attention croissante aux nouvelles menaces, telles que les investissements pilotés par des acteurs publics étrangers.
Si la France s’est dotée d’un dispositif de filtrage plus de trente ans après les Etats-Unis (2005 contre 1975), Bercy, qui pilote la procédure dite « IEF » (pour « investissement étranger en France »), semble avoir largement rattrapé son retard au cours des dernières années : l’administration française étudie, relativement aux flux d’investissements directs étrangers entrants, un nombre plus élevé de dossiers d’investissements que l’administration américaine, et impose plus fréquemment des conditions aux investisseurs afin de réduire les risques (par exemple l’obligation de maintien du siège social, des sites de production ou des unités de R&D sur le territoire français).
En revanche, le relatif défaut de transparence du dispositif français ne permet pas de connaître le nombre d’opérations empêchées a priori, ni celui des investisseurs sanctionnés a posteriori pour violation de leurs obligations. Convaincus que les investisseurs étrangers sont prompts à s’abstraire de leurs obligations, les Américains consacrent des moyens importants pour s’assurer du bon respect des conditions fixées par le CFIUS. Un effort manifestement opportun, puisqu’il détecte de régulières violations, comme en témoigne le nombre croissant de sanctions qu’il impose. Voilà un nouveau défi pour Bercy, qui a autorisé, ces trois dernières années, près de deux cents investissements « sous conditions ». Pour préserver nos intérêts stratégiques, il est aujourd’hui impératif de muscler nos capacités de suivi des investissements. Notons à cet égard que le budget du dispositif français de filtrage représenterait moins de 5 % du budget du CFIUS, selon des estimations de l’OCDE datant de 2020.
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